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De India
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Two years later...et toujours pas de conclusion...ou presque.

Two years later...et toujours pas de conclusion...ou presque.



Bien sûr, on ne sort pas indemme d'une aventure, telle que celle qui a été consignée dans ce blog, et qui continue de l'être indirectement
Deux ans après, s'il est bien vrai que les souvenirs précis s'effacent petit à petit, l'année scolaire 2006-2007 reste pour moi une année bien particulière.

En fait, cette nouvelle rétrospection a été provoquée par une simple question (peut-être pas si simple...) d'une collègue que je n'avais pas vue depuis trois ans...
Et il y a trois ans exactement, j'avais 21 ans presque 22, je n'avais peur de rien (ou alors pas des mêmes choses qu'aujourd'hui) et j'étais plongée dans les préparatifs du voyage (visa, organisation etc.):

- "Mais, dis moi, qu'est-ce qu'il te reste de ton expérience en Inde?"

Gloups...pas grand chose en fait:

- je ne regarde plus de films bollywood, que je trouve très longs et bien niais...
- je ne me rends qu'une fois par an au quartier indien de la gare du nord...alors que j'étais en manque passé un mois sans cette promenade il y quelques années...
- j'échange de moins en moins via internet avec mes amis indiens...ainsi qu'avec mes amis français qui ont partagé cette expérience.
- il ne me reste que 20% de chansons hindi sur mon Ipod alors que cela avoisinait les 90% il y a encore un an...
- je crois que j'oublie peu à peu mon hindi faute de le pratiquer
- je ne suis plus allée au restaurant indien depuis au moins 6 mois....

Ha si, je continue de prendre des cours de kathak, danse classique du Nord et c'est un réel plaisir!

Oui mais pas seulement...
Il suffit de creuser un peu pour clairement déclarer qu'il me reste ENORMEMENT de cette expérience là-bas en Inde mais surtout de l'expérience du retour qui fut ingrat et douloureux mais tellement formateur.

Oui, j'ai tellement appris de cette expérience et j'en sors grandie et probablement autrement forte. J'ai appris sur moi-même et sur le monde et les autres.

Sur moi-même?
Je sais maintenant que contrairement à ce que j'ai annoncé pendant des années, je suis très casanière, très attachée à ma terre, ou du moins à celle qui me nourrit et sur laquelle je marche. Je sais que je suis incapable de faire le tour du monde avec sac à dos, même si paradoxalement l'envie ne me manque pas de prendre, comme mon oncle et ma cousine, le transsibérien et d'arriver au japon par train et bateau.
Je laisse au temps et au destin le soin de décider  mes futures péripéties et voyages mais pour le moment, je ne me sens pas la force de quitter ma ville pendant plus d'un mois, et ce, malgré la grisaille et les problèmes. D'ailleurs, j'ai de plus en plus la trouille de prendre l'avion et s'il est vrai que  le récent crash de l'Airbus d'Air France Rio-Paris ne me rassure pas, c'est surtout le côté violent de ce moyen de transport dans sa faculté à vous arracher du sol pour vous emmener très loin dans des contrées somme toute vraiment différentes en quelques heures à peine qui m'a traumatisé. Pas étonnant que lors de mon séjour en Inde, j'ai eu du mal à concillier la vie de mes proches en France et ma vie en Inde tant j'avais l'impression d'être passée dans une autre dimension en très peu de temps.
J'ai aussi appris que je n'étais pas aussi courageuse que je ne le pensais, que j'ai besoin de me sentir protégée et en confiance. Mais cette perte du cocon de mon enfance a été bénéfique car j'ai dû, non sans difficultés, apprendre à reconstruire un autre cocon qui me correspond. J'ai eu une chance énorme de rencontrer celui qui est devenu l'homme de ma vie assez rapidement à mon retour.

Sur le monde et les autres?
On peut en rêver mais l'herbe est loin d'être plus verte ailleurs. Cependant, j'ai appris en Inde à me battre positivement, à ne pas penser les choses comme acquises ou impossible et trop difficile à acquérir.
Je sais maintenant que je suis (Γνῶθι σεαυτόν,) une jeune femme de 25 ans, en bonne santé, qui a la chance de se trouver dans un pays ou les femmes sont libres de leur choix et peuvent se sentir fières de les assumer et c'est loin d'être le cas dans une grande partie du monde. Je peux choisir ce que je veux faire, quand je veux le faire. Je peux choisir ma vie avec l'homme que j'aime, travailler et construire une famille si je le souhaite.
Pour le reste, on peut se plaindre en France  que le gouvernement nous retire peu à peu ces dernières années des privilèges auxquels on s'était habitués depuis 60 ans mais nous gardons notre liberté d'esprit et nous devons surtout nous battre pour la transmettre à nos enfants coûte que coûte.

Je n'ai pas le concours mais je sais qu'en travaillant, je l'aurai, dans deux, trois, quatre ans, s'il le faut. Je viens de réussir avec de très bonnes notes mon Master 1 tout en travaillant en parallèle au lycée et je n'ai pas eu à un  seul moment l'impression de faire des études lourdes et difficiles, j'ai même trouvé cela plutôt agréable (sauf à la veille des examens quand le stress monte). Je viens de m' inscrire au permis et je l'aurai avant un an. Oui, en Inde, j'ai appris à ne pas me laisser aller selon des apriopri que tout le monde a. J'ai appris à savoir aller au delà de moi, de ce dont j'étais capable tout en adoptant les difficultés et les contextes. Pour avoir réussi un grand défi de ma vie: passer un an en Inde, je me sens capable de relever des tas de défis, plus "classiques" certes mais tous aussi importants les uns que les autres et le tout, avec le sourire!
Je n'ai plus peur de la morosité, d'être comme les autres, car non seulement, je me sens capable de relever des défis plus quotidiens les uns que les autres mais aussi d'en créer de nouveaux, je vous en épargne la liste, elle vous ennuyerait considérablement...Je suis d'ailleurs consciente de mon petit confort, auquel je ne renconce pas, peut-être encore moins qu'avant, paradoxalement. Je sais que je suis capable de faire des lessives à la main (quelle merveilleuse invention que la machine à laver!), de dormir sur une planche de bois ou dans un train sale et poussierieux observée mais des yeux sans expressions, d'utiliser un petit trou pour mes besoins, et ma main gauche pour nettoyer le tout (désolée pour les détails croustillants), j'ai connu les longues pannes d'electricité qui vous prive du ventilateur (surtout!) et de lumière, internet etc. J'ai connu le manque de livres (je ne vous raconte mon malaise quand je suis revenue dans une médiathèque au retour), le manque de nourriture à laquelle on est habitué. Je sais l'importance d'être en bonne santé  pour avoir été très malade souvent J'ai connu la mort à plusieurs reprises pour l'avoir vue à côté de moi ou l'avoir évitée de justesse à plusieurs reprises (accidents de circulation notamment).

J'ai aussi connu la solitude intellectuelle et je sais maintenant que l'homme s'adapte d'abord physiquement puis intellectuellement à n'importe quelle situation. Instinct de survie peut-être... Après 4-5 mois en Inde et de grosses angoisses, une envie de reprendre l'avion pour revenir, quitte à ne pas finir le stage, mon esprit s'est adapté à la façon de penser indienne: "advienne que pourra, je prends ce qui vient pourvu que le ciel ne me tombe pas sur la tête", ce qui a engendré de gros problèmes de communication avec mes proches français, je ne pouvais plus partager avec eux ce que je vivais car je ne savais plus en parler, trop plongée dans un environnement dans lequel je me suis adaptée car j'avais l'impression que cela était nécessaire pour y survivre.
Les habitudes (voire valeurs) de curiosité, de volonté d'approfondissement, d'instrospection, de critique et d'argumentation propres à ma culture occidentale et plus particulièrement européenne (depuis le XVIIIème siècle et les Lumières) me sont devenues étrangères car elles devenaient insupportables dans un pays où chacun vit  et ressent les choses seconde après seconde.

Je suis maintenant consciente de l'importance de mes proches, mon homme, ma famille, mes amis, mes collègues etc. C'est grâce à eux qu'on se construit dans sa propre culture et c'est tellement important de prendre soin d'eux car ils ne seront pas tout le temps là. Avant de partir, j'étais finalement très égoiste et mes proches me l'ont bien rendus à mon retour quand je me suis retrouvée toute seule mais tant mieux...l'expérience du retour a été tout aussi importante que le voyage lui-même.
J'ai fait énormément souffrir une personne en particulier qui ne méritait pas ce manque de respect. J'ai appris d'ailleurs qu'il a tout pris pour lui alors que rien n'était de sa faute. Je n'ai plus beaucoup de nouvelles actuellement et peut-être est-ce mieux ainsi  mais je regrette tellement de n'avoir jamais pu soigner les blessures  que j'avais moi-même infligées, de n'avoir jamais pu partager avec lui ce qui m'a fait grandir à ses dépends mais grâce à lui et j'aimerais tellement apprendre de sa bouche que lui aussi a  appris beaucoup de cette histoire et qu'il est heureux et épanoui aujourd'hui. (s'il lit ces lignes...).

Je peux dire, sans me vanter, que cette expérience m'a rendu, non pas plus forte ou plus intelligente mais au moins, plus mature et plus intègre et au fond, c'est tout-à-fait ce que je visais en partant. Il y a 3 ans, je préparais mon départ et pourtant, j'ai l'impression qu'il s'est passé 10 ans depuis...